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Des écrans pour la médiation culturelle, une bonne idée ?

Loïc Aubrays, portant un chapeau

Loïc Aubrays

Fondateur & concepteur

Publié le 14 avril 2023

Après un tour d'horizon des avantages et des inconvénients des écrans dans les expositions et les activités de médiation, découvrez comment nous soulignons leur pertinence, mais nuançons leur usage...

Une personne visite un musée et touche un écran interactif

La médiation culturelle et scientifique est un enjeu majeur pour de nombreuses institutions et entreprises. Que vous soyez un musée, une haute école ou une entreprise privée, vous cherchez probablement à valoriser vos collections, vos savoirs ou votre histoire. Comment les rendre attractifs et accessibles à un large public ?

Dans cette optique, peut-être envisagez-vous d’utiliser des dispositifs numériques dans vos expositions et vos ateliers ? Et en effet, ce sont des outils intéressants pour la médiation. Toutefois, les « écrans » soulèvent débats et interrogations, notamment en termes d’impact sur l’expérience de visite et sur la transmission des savoirs.

Dans cet article, nous nous concentrerons sur les personnes qui visitent un lieu physique avec des objets matériels (panneaux, vitrines, affichettes, etc.). Nous laisserons donc pour une prochaine publication les aspects d’une médiation à distance au travers des médias numériques, tels un site web, une chaîne Youtube ou les réseaux sociaux.

Projetons-nous maintenant dans un lieu aménagé pour présenter des contenus à du public; une salle de musée, le hall d’entrée d’une entreprise, un espace dans une galerie, une cabane de jardin.

Vous y êtes ? Alors ajoutons des dispositifs numériques dans votre paysage mental. Des écrans, petits et grands, des QR codes, un hologramme !

Que ressentez-vous ?

De la curiosité ? L’envie d’essayer ? L’envie de comprendre ? Un trop plein ? Trop d’informations, trop de clignotements, trop ?

Décortiquons un peu ces impressions pour comprendre les intérêts et les limites de dispositifs numériques.

Nourrir la curiosité avec des contenus complémentaires

Éveiller la curiosité permet d’impliquer le public dans la découverte des lieux. Ainsi les objets numériques offrent un moyen efficace de captiver l’attention des visiteurs et visiteuses. Ils participent à créer une ambiance immersive dans l’univers de l’exposition. Des commentaires sur les œuvres ou les objets exposés, des vidéos explicatives ou encore des jeux interactifs permettent de mieux comprendre les thèmes abordés.

En outre, mobiliser des moyens audiovisuels offrent une plus grande flexibilité en termes de présentation des informations. Vous pouvez ainsi proposer des contenus variés et les adapter en fonction des publics et des objectifs pédagogiques de l’exposition. Par exemple, l’interview d’un spécialiste du domaine ou l’intervention d’un médiateur-présentateur apportent une dimension humaine plus chaleureuse au milieu d’objets et de textes.

Je garde d’ailleurs un souvenir très agréable de l’Espace Métal - Halle de Grossouvre, visité en 2011 dans le Berry. Jamy Gourmaud, oui, le Jamy de C’est pas sorcier et de la chaine Epicurieux, y forme un tandem audiovisuel très dynamique avec un personnage virtuel du XIXe siècle.

Photo du haut-fourneau avec des panneaux de textes et des télévisions

Un musée interactif sur le fer durant la révolution industrielle. ©Berry Province

A l’immersion et à l’adaptabilité, s’ajoute l’enrichissement de la médiation. Des contenus sur écran peuvent également faciliter la compréhension de notions complexes, en présentant des schémas, des graphiques ou des infographies interactives. Le public peut alors se les approprier en les manipulant.

Prenons un exemple fictif. Des chercheurs ont identifié tous les thèmes traités par Jules Verne dans son oeuvre : le voyage, les sciences, les transports, la servitude, etc. L’ensemble de ces données peuvent alors être rendus sous la forme d’une visualisation interactive avec des filtres ou des éléments dynamiques. Le visiteur peut décider de concentrer son intérêt sur les sciences et ses branches (médecine, chimie, physique, …) et découvrir les oeuvres qui en font mention.

Quittons le Nautilus pour explorer une maison du XIIe siècle. La réalité virtuelle ou augmentée peut être un ajout intéressant à une médiation culturelle et scientifique en montrant une architecture disparue ou un objet inexposable. Avec la technologie de modélisation, on peut recréer des environnements historiques ou concevoir une oeuvre artistique numérique. Les scènes 3D permettent également de présenter des informations complexes de manière visuelle et interactive, en offrant la possibilité d’observer des objets ou comprendre des phénomènes sous différents angles et perspectives. Et cela avec ou sans casque de VR !

Visualisation 3D d'un espace avec des colonnes, en cours de réalisation, sans couleurs

Une cuisine médiévale 3D en cours de modélisation avec Blender (publication en 2023)

Enfin l’aspect ludique est également à souligner. Immersifs ou, au contraire, volontairement en décalage, les jeux interactifs peuvent offrir une expérience de visite amusante et dynamique. Les jeux peuvent être conçus pour aider à comprendre des concepts scientifiques, à résoudre des énigmes ou des problèmes historiques, ou encore à explorer des univers imaginaires. Les jeux peuvent également être développés afin de s’adapter à différents publics et niveaux de connaissances, permettant ainsi de toucher toutes et tous.

Cependant, l’utilisation irraisonnée des « écrans » peut également avoir des effets négatifs sur la médiation et l’expérience de visite.

Défauts d’une utilisation excessive des écrans

Tout d’abord, les visiteurs peuvent se sentir submergés par la quantité d’informations disponibles à travers les outils numériques, ce qui peut rendre le parcours moins agréable et moins fluide. Vous souvenez-vous d’un maudit écran, une fois, dans une expo ? On appuie sur « Démarrer la vidéo », rien se passe. On essaye de revenir au choix des langues, rien non plus. Impossible de s’y retrouver, de voir ou de faire quelque chose ! Moi aussi, j’ai abandonné après quelques essais. J’en garde le sentiment frustrant d’être passé à côté d’un savoir important.

Et parfois, simplement, il y a trop.

Les images qui bougent peuvent aussi distraire de l’œuvre ou de l’objet exposé. Elles ont cet étrange pouvoir d’attraper notre œil et de ne pas le relâcher facilement. Et que dire des jeunes enfants littéralement happés par la lumière ou déchaînés à frapper l’écran tactile ! On en oublierai presque ce que nous étions venus faire en ce lieu. En tout cas, c’est ce qui m’arrive quand mes enfants craquent un peu devant un écran…

Un oeil affiché sur un mur d'écrans bleu-violet

Des écrans, ça attire et attrape un oeil, non ?

Enfin, disposer une pléthore d’écrans peut parfois donner une impression de superficialité ou de technicité, qui peut nuire à l’expérience esthétique et émotionnelle de la visite. Je ne donnerai pas d’exemples concrets, mais je me suis baladé dans des musées où l’écran, l’objet matériel, était roi au détriment des contenus. Triste souvenir…

Cumulant les défauts ci-dessus, les impondérables techniques peuvent même gâcher une exposition ! De l’application bloquée à l’affichage aux couleurs extravagantes en passant par le réseau wifi en rade, l’expérience de visite est alors fortement dégradée. Le public a l’impression d’avoir raté un élément-clé; il cherche longuement à se servir de l’objet en panne; ou alors il critique « l’utilisation de [ses] impôts pour des gadgets qui fonctionnent jamais ! ».

Avant-dernier argument à charge, la question de l’empreinte écologique mérite d’être posée. Ces dispositifs nécessitent de l’énergie pour fonctionner ainsi que de l’équipement informatique à l’obsolescence plus ou moins rapide. Cela nécessite une certaine réflexion sur l’entretien, la réparation et la réhabilitation du matériel durant tout le cycle de vie de l’expo.

Enfin nous sommes nombreux à passer de très (trop ?) nombreuses heures derrière l’écran de notre téléphone ou de notre ordinateur. Un moment de déconnexion loin de pixels, n’est-ce pas agréable ?

Questionner la pertinence et adapter les usages

Il convient alors de penser judicieusement les usages des écrans de manière à limiter les effets négatifs évoqués ci-dessus. En veillant à ne pas nuire à l’intérêt et à l’attention des personnes, ce sont des outils complémentaires à la médiation humaine. Ils permettent notamment d’approfondir certains aspects de l’exposition avec une plus grande flexibilité et une plus grande richesse d’informations. Scènes 3D, jeux interactifs, séquences audiovisuelles aident à créer une visite immersive et ludique.

En restreignant la quantité de dispositifs tout en soignant leur qualité, les risques de problèmes techniques et l’empreinte écologique s’en trouvent réduits. Et cela limite d’autant le sentiment de surcharge que le public pourrait ressentir.

Par conséquent, au bon moment et au bon endroit, un dispositif numérique de médiation participe à créer une ambiance propice à l’engagement des visiteurs et visiteuses et à l’appréciation du contenu exposé.


Merci à Natacha, Manon et Laura pour le thème de cet article. Si vous aussi vous souhaitez des informations sur un sujet précis, écrivez-nous.

Mention particulière aux IA génératives à qui l’on doit la photo de couverture ainsi que de nombreuses heures pour les faire fonctionner à peu près… Article à suivre !